Les sondages pour le candidat Républicain à la Maison Blanche s’améliorent, laissant entrevoir des chemins vers la victoire.
Ce serait peu de choses de dire que Trump avait commencé le mois d’août avec un gros retard sur Clinton. Bien sûr, il y avait l’effet du « convention bounce » – un effet bien connu aux US où le candidat dont la convention vient de s’achever gagne plusieurs points dans les sondages et prend, temporairement ou non, la tête de la course. La Convention démocrate s’étant déroulée après la Convention républicaine, Clinton avait l’avantage… auquel se sont ajoutées les polémiques absurdes dans lesquelles s’est englué Trump, avec l’aide des médias, dont le fameux affrontement avec la famille Khan. Dans l’ensemble, Clinton disposait d’environ 6 à 7 % d’avance sur son rival, et les médias s’épanchaient abondamment à propos d’un effondrement de la campagne de Trump.
La réorganisation de l’équipe de campagne de Trump au milieu du mois d’août lui a finalement permis de rebondir. La plupart des commentateurs, auteur de ces lignes inclus, s’attendaient à ce que Trump adopte le nationalisme virulent de son nouveau directeur de campagne, Steve Bannon, dirigeant du très droitier site d’information Breitbart. Dans les faits, c’est plutôt l’autre nouvelle venue, la sondeuse Kellyanne Conway, qui semble avoir convaincu Trump et avoir réussi là où Manafort avait échoué – à savoir calmer le candidat. Cela fait depuis quelques semaines qu’il n y a pas eu de polémiques sur les propos du milliardaire, ou d’attaques idiotes de sa part contre un troisième couteau. Trump donne quelques détails de son programme et, dans ses meetings, utilise beaucoup plus fréquemment les téléprompteurs (même s’il lui arrive évidemment de sortir du script et d’ajouter un commentaire inspiré tel que Bad ! ou It’s true folks, it’s true ! à ses propos.)
Il est clair que depuis le début du mois d’août, Trump a remonté dans les sondages et a rattrapé beaucoup de son retard. Parmi les nombreux sondages qui paraissent au cours de la campagne, on peut distinguer trois blocs.
En premier lieu, on trouve des « tracking polls », qui sont des études quotidiennes. Bien qu’ils procèdent selon des méthodologies différentes, ces sondages quotidiens (UPI/Cvoter, LATimes/USC Dornsife, People’s Pundit Daily) sont les plus favorables à Trump, puisqu’ils le mettaient à 3-5 points de retard début août, et le donnent aujourd’hui à égalité ou en tête.
On trouve ensuite des sondages aux méthodologies plus classiques, qui donnaient début août beaucoup d’avance à Clinton, et qui à présent donnent un égard situé entre 1 et 6 points seulements. Morning Consult donnait 9 points d’avance à Clinton le 5 août, contre 3 seulement le 26 août. IBD/TIPP donnait 7 points d’avance à Clinton le 4 août, contre 1 seulement le 1er septembre. NBC News donnait 10 points d’avance à Clinton le 7 août, contre 6 seulement le 28 août, et ainsi de suite. Le changement le plus spectaculaire vient de l’institut Ipsos, qui donnait 12% de retard à Trump le 22 août, 7 le 24, 5 le 25, 1 le 29, et lui donne un point d’avance aujourd’hui.
Enfin, il y existe quelques instituts (Suffolk, Monmouth, Quinnipiac…) qui persistent à donner à Trump entre 7 et 10 points de retard.
La vérité nous semble plutôt du côté du second groupe de sondages, c’est à dire que Clinton mène encore, de peu, la course. Les données dont nous disposons aujourd’hui écartent l’hypothèse d’une victoire écrasante de Clinton, qui raflerait l’essentiel des Etats en gagnant avec 5 à 10 points d’écarts, comme le prophétisaient les politiciens les plus hostiles à Trump.
Face à ces résultats, le camp Clinton hésite entre deux stratégies : d’un côté se trouvent ceux qui pensent que Clinton mène et que Trump va s’autodétruire. Pour ceux là, Clinton doit juste se taire et rester en retrait, et elle l’emportera par défaut, un peu comme François Hollande l’avait emporté en France en 2912. De l’autre côté, il y a ceux qui pensent qu’ils peuvent obtenir une victoire écrasante et que la campagne Clinton doit passer à l’offensive. Je considère que les deux camps se trompent : à moins de tendre un piège très efficace à Trump ou de battre celui-ci pendant les débats, Clinton ne possède pas réellement les moyens requis pour remporter une victoire massive. Hillary Clinton reste une candidate faible, peu charismatique, au programme peu mobilisateur, pour laquelle les électeurs ont peu d’enthousiasme, et qui sera rattrapée par ses affaires passées tout au long des deux mois de campagne restant, dont les investigations du FBI et les révélations promises par Wikileaks. Pour autant, Clinton ne peut pas rester éternellement en retrait, ne serait-ce que parce que Trump marque des points tant qu’il parvient à se maîtriser et ne trouve pas d’opposition en face de lui.
Comme on l’a vu au-dessus, on pourrait même remarquer que Trump a déjà marqué des points et continue sur sa lancée. A vrai dire, il est presque en état de remporter une majorité de grands électeurs.
Clinton dispose d’un avantage de 78 grands électeurs par rapport à Trump. Notons qu’avec ces résultats, Trump ferait déjà mieux que Romney, qui semble pourtant être devenu la référence absolue des dirigeants du Parti Républicain en terme de candidat. Toutefois, plusieurs des Etats qui voteraient aujourd’hui pour Clinton ne le feraient que par une courte marge. On considère généralement qu’il y a 14 « Swing states » pour cette élection, c’est à dire des Etats où la course est très proche et qui bourraient basculer vers l’un ou l’autre des candidats. Dans le reste des Etats, chaque candidat a une avance d’une dizaine de points ou plus, ce qui rend l’issue assez prévisible. Dans 11 des swing states, Clinton ou Trump possède une avance relativement importante :
– L’Arizona (11 votes, traditionnellement Républicain et qui semble parti pour le rester)
– Le Colorado (9 votes, Clinton y mène avec 5 points d’avance)
– La Géorgie (16 votes, Trump y mène avec 3 points d’avance)
– L’Iowa (6 votes, Trump est légèrement en tête)
– Le Michigan (16 votes, Clinton y mène avec 4-5 points d’avance)
– Le Minnesota (10 votes, Clinton y mène avec 6 points d’avance)
– Le Nevada (6 votes, Clinton y mène avec plus de 3 points d’avance)
– Le New Hampshire (4 votes, Clinton y mène avec 4 points d’avance)
– La Pennsylvanie (20 votes, Clinton y mène avec 4-5 points d’avance)
– La Virginie (13 votes, Clinton y mène avec 6 points d’avance)
– Le Wisconsin (10 votes, Clinton y mène avec 4 points d’avance)
Enfin, il y a les trois derniers swing states, où la course est très très incertaine :
– La Caroline du Nord (15 votes, <1% en faveur de Clinton)
– L’Ohio (18 votes, <1% en faveur de Clinton)
– La Floride (29 votes, 1 à 2% en faveur de Clinton)
Trump est 78 voix derrière Clinton. Il lui faut donc en gagner 40 pour l’emporter. Pour cela, il lui suffit de remporter la Floride (qui est traditionnellement le grand combat de l’élection, à la fois pour son nombre important de voix et parce que le GOP et les Démocrates y sont de force comparable), et soit la Caroline du Nord, soit l’Ohio. S’il continue sur sa lancée actuelle, il devrait remporter au moins l’un de ces deux derniers Etats. En revanche, il est très difficile de savoir qui gagnera en Floride – chaque campagne investira massivement dans la campagne locale. Néanmoins, il faut bien se rendre compte que Trump, à ce stade, n’aurait besoin que de gagner 1% des voix en Floride et 0,5% en Ohio ou Caroline du Nord pour devenir Président des États-Unis d’Amérique.
Supposons donc que Trump ne remporte que la Caroline du Nord parmi ces trois derniers États. Ses grands électeurs augmenteraient à 244 et ceux de Clinton diminueraient à 292. Il lui faudrait donc trouver 24 votes ailleurs.
Hormis l’Ohio et la Floride, l’un des États fournissant de nombreux grands électeurs et visé par la campagne de Trump est la Pennsylvanie. Comme plusieurs autres États lors de cette élection, il s’agit d’un État votant Démocrate depuis 1992 mais qui, faisant partie de la Rust Belt (les États ouvriers touchés par la désindustrialisation) est sensible au discours de Trump. Mais ce discours ne semble pas avoir suffit à ce jour : certes, Trump y perd par 4 ou 5 points, contre 10 points pour McCain ou Bush senior, mais les 20 grands électeurs restent entre les mains de Clinton.
Les autres routes possibles vers la présidence requièrent de capturer plusieurs États supplémentaires. Les plus susceptibles de tomber dans son escarcelle seraient le Nevada, le Wisonsin et le New Hampshire, ce qui lui donnerait 20 votes… Pas assez pour l’emporter, et le New Hampshire et le Wisconsin sont déjà des Etats qui penchent historiquement plus vers les Démocrates que la Floride ou la Caroline du Nord. Quant aux autres Etats en lice, ils seraient encore plus difficiles à remporter. Bref, sans la Floride ou la Pennsylvanie ou l’Ohio et la Caroline du Nord, la victoire de Trump deviendra presque impossible. En revanche, si Trump gagne l’Ohio et la Caroline du Nord, il ne lui manquera que 7 voix – il ne lui manquerait donc qu’un swing state de taille moyenne pour emporter l’élection.
Mais toutes ces projections sont effectuées au début du mois de septembre. Il reste encore deux mois de campagne, ainsi que les débats, et Trump est parvenu à réduire l’écart de voix entre lui et Clinton de 1% par semaine ces deux dernières semaines. S’il continue à ce rythme, il sera virtuellement à égalité avec Clinton au niveau national avant les débats, et avec de vraies chance de remporter la Pennsylvanie ou le Michigan, et donc des voies alternatives pour obtenir facilement une majorité nette.