Bientôt candidat, Eric Zemmour se refuse à affronter l’Union Européenne, et se rabat sur les vieilles lunes de la droite.
L’auteur de ces lignes n’est pas hostile à Eric Zemmour. Il en suit les interventions télévisées depuis plusieurs années, a lu la plupart de ses livres et en a même fait dédicacer un, et pourrait même voter pour le polémiste si celui-ci parvenait jusqu’à la présidentielle. Il constate même que, loin de se limiter à parler d’immigration, le quasi-candidat Zemmour a travaillé d’autres sujets et présente un discours construit sur l’économie. Hélas, ce discours économique est perclus de contradictions, et repose sur des postulats objectivement erronés.
Zemmour, souverainiste et antilibéral
M. Zemmour a beaucoup dit et écrit sur l’économie depuis le début de sa carrière publique, tenant souvent des positions clairement non seulement anti-libérales, mais ouvertement favorables à un fort degré d’intervention de l’État. Son ouvrage de 2014, Le suicide français, était en la matière le plus explicite. Ainsi écrivait-il par exemple dans un chapitre nommé « La fin discrète du colbertisme » :
La privatisation des banques décidée par la droite en 1986 et 1993, la dérégulation financière réalisée par la gauche, la mondialisation des échanges, et la pression à la baisse sur les salaires qu’elle entraîna, la désindustrialisation, la financiarisation de l’économie, l’explosion du chômage de masse et des dépenses sociales, la concurrence fiscale au sein de l’Europe et le mitage de l’impôt sur le revenu par la multiplication des niches fiscales, l’incapacité des gouvernements successifs à enrayer les déficits et à contenir la hausse de la dette : tout avait été chamboulé en trente ans et la loi de 1973, héritage d’un monde stable révolu, devint dans ce nouveau contexte un abcès purulent.
(…)
La loi de 1973 était le produit de son temps. Des balbutiements de l’idéologie libérale chez nos maîtres à penser. On commençait alors à dire que l’État devait abandonner sa splendeur et son arrogance passées. Le temps de la reconstruction était révolu. Le général de Gaulle était mort. L’État en majesté devait en rabattre. Renoncer à ses privilèges comme celui de battre monnaie, dont il avait abusé en « faisant de la fausse monnaie ». L’État finirait par abandonner ce droit régalien millénaire aux banquiers centraux de Francfort, qui eux-mêmes le confieraient aux banques privées. Il devrait désormais solliciter son banquier pour satisfaire ses besoins d’argent, comme un simple particulier.
(…)
À l’Élysée, le président Pompidou convoquait encore les patrons des grandes entreprises françaises pour leur dicter les stratégies industrielles de leurs groupes. Rue de Rivoli, le ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing régentait la vie économique nationale sous les ors du palais du Louvre. Le contrôle des changes limitait la liberté de mouvement des banquiers. Un vaste secteur public aménageait le territoire national de manière cohérente et équilibrée. Sur les six grands programmes industriels lancés au cours de cette décennie enchantée de 1960-1970, le spatial, le TGV, l’aéronautique, le nucléaire, les télécoms et le plan calcul, un seul échoua (le plan calcul) ; les cinq autres travaux d’Hercule de l’État façonnèrent les plus grandes entreprises françaises (France Télécom, Alcatel, Airbus, Areva, Alstom) et le socle industriel sur lequel repose encore aujourd’hui la fortune économique de notre pays. Mais la nouvelle idéologie dominante imprégnait peu à peu les mentalités de nos dirigeants et de nos technocrates. Pompidou conservait sa prudence de paysan matois, mais, au contraire de De Gaulle, faisait confiance aux marchés : « Quand on a choisi le libéralisme international, il faut opter aussi pour le libéralisme intérieur. L’État doit donc diminuer son emprise sur l’économie au lieu de chercher perpétuellement à la diriger et à la corriger » (propos rapportés par son biographe Éric Roussel). Giscard rêvait déjà d’« avoir un strapontin à la Bundesbank ». À partir des années 1980, avec les révolutions libérales de Thatcher et Reagan, cette théorie deviendrait l’air du temps. Horizon indépassable.
(…)
Avec la loi de 1973, on entrouvrait la porte. On entamait un processus. On mettait le doigt dans un engrenage. Le vieux monde économique français mourait sans un cri de douleur ou d’effroi. Sans même s’en apercevoir.
Dans ce chapitre, Zemmour ne propose guère de solutions, parce qu’il cherchait dans ce livre à décrire plutôt qu’à proposer, mais on comprend assez facilement qu’à ses yeux, l’ancien modèle étatiste, dirigiste et centralisé était largement supérieur au libre-échange mondialisé. On pourrait multiplier les citations de cette sorte provenant de ce livre ou de ses nombreuses interventions dans les médias, on se contentera d’une seule autre, tirée du dernier chapitre, « Et depuis » :
La monnaie unique avait été conçue par François Mitterrand pour soustraire aux Allemands réunifiés leur « bombe atomique » : le mark. Les Allemands utilisèrent la corde qui devait les ligoter pour étrangler les industries françaises et italiennes qui ne pouvaient plus s’arracher à leur étreinte mortelle par des dévaluations compétitives. La supériorité allemande est telle que la France ne pourra plus échapper à sa vassalisation. Un siècle après le début de la Première Guerre mondiale, nous entérinons le plan des dirigeants allemands conçu par Guillaume II qui prévoyait déjà l’unification continentale autour de l’hégémon germanique. Pour échapper à ce destin funeste, la France devrait se débarrasser de l’euro, et pousser ses dernières entreprises nationales à nouer des alliances extra-européennes, pour prendre à revers la puissance germanique, et retisser la trame de son capitalisme d’État qui a fait, qu’on le veuille ou non, les rares périodes de l’Histoire où le pays connut un réel dynamisme économique : le second Empire et les Trente Glorieuses. Le succès ne serait pas assuré, les risques immenses, la tâche énorme ; mais nos élites politiques et économiques la refusent par principe. Pour la plupart, elles ne croient plus en la capacité de la France d’assumer son destin de nation souveraine.
Tout antilibéral lisant ces lignes, tout souverainiste aussi, ne pouvait être qu’enthousiasmé, et par conséquent enthousiaste à l’idée d’une candidature Zemmour. Quelles que soient par ailleurs les limites de Zemmour, quels que soient par ailleurs ses défauts, au moins son discours permettrait-il, pouvait-on penser, de ramener sur la table ces sujets centraux : économie, souveraineté, monnaie nationale, intervention de l’Etat, etc. Quelle déception donc, que de s’apercevoir que le candidat Zemmour aurait, lui, largement sa place comme candidat des Républicains.
Zemmour, défenseur de la compétition dans le marché unique
Eric Zemmour n’est pas encore officiellement candidat. Il n’a pas encore officiellement de programme, ni produit de document auquel se référer pour s’assurer de ce qu’il propose. Néanmoins, on dispose déjà de plusieurs séquences de débats ou de conférences où il expose sa vision de la politique économique qu’il faudrait mener. Pour cet article, nous nous baserons sur sa conférence à Lille du 2 octobre, qu’il a dédiée à l’économie, et à son débat face à François Lenglet sur LCI du 28 septembre.
Éric Zemmour en conférence à Lille – YouTube
Eric Zemmour, jusqu’où peut-il aller ? – Youtube (à partir de 51 minutes)
Citons-en les éléments principaux :
Conférence de Lille
Nos dirigeants se refusent à voir le problème en face. Ils mettent des rustines, ils mettent des sparadraps, non pas parce qu’ils sont ignorants, non pas parce qu’ils sont cyniques mais – je vais vous faire une confidence, c’est parce qu’ils sont peureux. Ils sont pusillanimes. Je les ai traité de « chochottes » à LR et ils ne s’en sont pas remis mais c’est quand même ce qu’ils sont depuis 40 ans.
Parce que franchement, on sait pourquoi les grandes entreprises délocalisent et pourquoi les petites entreprises meurent. On le sait. C’est tout simplement qu’on paye pour un modèle social obèse. Oh, il faut tout de suite, tout de suite prévenir : je sais très bien que ce modèle social il est légitime. Vous y tenez, et j’y tiens, comme à la prunelle de mes yeux. Mais il faut distinguer entre ceux qui travaillent, et ceux qui ne travaillent pas, entre ceux qui cotisent et ceux qui reçoivent de l’assistanat, entre les chômeurs professionnels et les travailleurs professionnels payant pour les autres.
Les chiffres sont édifiants, je vous les livre en vrac : nous représentons un pour cent de la population mondiale mais nous dépensons 10% des dépenses sociales du monde entier. La somme va vous donner le vertige : 750 milliards d’euros. 30 % de notre richesse nationale. Ce n’est plus de la solidarité, ce n’est plus de la générosité, c’est de la folie et l’on sait pourquoi. L’on sait d’où ça vient. Tout simplement parce que notre système social a été dévoyé. Il reposait sur deux principes : le travail qui entraînait les cotisations sociales et donc les contributions et donc les droits sociaux ; et la solidarité nationale, je dis bien nationale. Or, qu’est ce que nous avons fait depuis 30 ans, depuis 40 ans ? Nous avons multiplié les dépenses d’assistance au détriment des dépenses liées au travail et nous avons ouvert notre modèle de solidarité nationale au monde entier. Aaah, alors là !
C’est donc une affaire de justice sociale que la solidarité nationale redevienne nationale, et c’est aussi un impératif d’efficacité économique. Ce n’est pas pour rien que nous avons perdu la plupart de nos industries, ce n’est pas pour rien que les grands groupes français ont tout délocalisé dans les autres pays, ce n’est pas pour rien si les petits, les PME et les PMI, n’arrivent pas à survivre, n’arrivent pas à se transmettre de père en fils comme en Italie où comme en Allemagne. C’est pour une raison très simple, c’est qu’elles subissent plus de charges sociales que les autres. Il faut avoir les chiffres en tête : nous avons nous comme prélèvements obligatoires, impôts plus charges sociales, une somme qui représente 47% de notre richesse nationale. En Allemagne, c’est 41%, 6 points de moins. C’est des dizaines et des dizaines de milliards d’euros qui ne vont pas dans nos poches. Il faut arrêter ça, il faut réduire cette dépense sociale absolument scandaleuse, et il faut prendre, c’est à dire qu’il faut couper la solidarité non nationale, c’est-à-dire les dépenses non contributives : logement social, allocations familiales, RSA, nous devons les enlever à la population étrangère et les réserver à la population française.
Et puis, pour que le pays, et le nord en particulier, retrouve son esprit d’entreprise, son esprit de travail, son esprit ingénieux il faut que l’Etat cesse de les accabler de charges et de normes. Tous les entrepreneurs que je rencontre, encore hier à Valenciennes me disent la même chose : ils sont évidemment submergés de charges, mais aussi de normes. L’administration française est dix fois plus pointilleuse que les autres. Hier, j’étais à ma table, il y avait un avocat fiscaliste, et il m’expliquait que beaucoup d’entreprises venaient le voir pour régler au mieux les questions de transmission d’entreprise quand un chef d’entreprise, qui avait fondé son entreprise, était arrivé à la retraite et voulait la transmettre à ses enfants. Et il me disait, de façon goguenarde, « c’est simple, en Belgique, dans le même cabinet de fiscalistes, ils sont deux. En Italie ils sont quatre, et moi en France on est 30. »
Trop de charges, trop d’impôts, causés par notre Etat-Providence obèse et qui tuent la compétitivité de notre économie, ce à quoi s’ajoutent le poids des règlementations forcément inutiles et évidemment plus lourdes que dans les pays voisins : on est en terrain familier, Nicolas Sarkozy ou François Fillon n’auraient pas dit autre chose. Zemmour marque cependant une première distinction par rapport au discours habituel de la droite : il considère que, si les charges et impôts sont trop lourds, c’est spécifiquement à cause du fait que notre système social est utilisé et abusé soit par des fraudeurs, soit par des populations étrangères. Autrement dit : en ciblant spécifiquement ces segments-là des bénéficiaires, on pourrait conserver le système social en l’état pour les français, et dégager les marges nécessaires pour rendre leur compétitivité à nos entreprises.
Zemmour a apporté des précisions sur les montants qu’il avait à l’esprit lors de son débat avec François Lenglet :
E. Zemmour : On s’endette, et pourquoi on s’endette ? C’est pour financer un Etat-Providence complètement fou. C’est à dire qu’on a, vous savez bien, des dépenses sociales complètement astronomiques, qui représentent 30% du PIB. C’est le record mondial. Et pourquoi on fait cela ? Pour trois raisons d’après moi :
La première c’est parce que notre modèle social est ouvert aux quatre vents. Nous sommes le pays le plus généreux avec le monde entier, nous soignons tout le monde, et nous donnons les mêmes droits avec la fameuse AME à des clandestins qui ont plus de droits que des français. Donc notre système est beaucoup trop généreux.
Deuxièmement nous le gérons mal, puisque le grand magistrat Charles Prats estime la fraude [sociale] à 50 milliards par an et, troisièmement nous en revenons à votre histoire de retraite et d’activité, nous avons un volant d’activité inférieur aux autres pays donc nous travaillons moins sur la durée d’une vie. Donc il faut jouer sur ça. Je pense donc qu’il faut réduire la voilure sociale, mais il ne faut pas la réduire en réduisant le modèle social des français il faut absolument supprimer les allocations de solidarité aux étrangers. C’est à dire qu’il faut que la solidarité nationale redevienne nationale, et que les allocations logement, les allocations familiales, le RSA soient réservés aux français.
F. Lenglet : Quand vous dites pour les étrangers, justement, pour les étrangers en situation régulière, ceux qui cotisent évidemment, ils ont droit aux prestations sociales ?
E. Zemmour : Evidemment.
F. Lenglet : Vous parlez de la fraude et vous avez l’air de reposer pour beaucoup le financement de la baisse des prélèvements là-dessus. 50 milliards honnêtement, j’ai entendu Marine Le Pen donner ce chiffre-là, Jean-Luc Mélenchon…
E. Zemmour : C’est Charles Prats.
F. Lenglet : C’est quand même des montants considérables. J’ai juste un chiffre à vous donner, c’est celui du Sénat américain, qui évalue la fraude fiscale et sociale aux Etats-Unis à 80 milliards d’euros, pour une économie qui est sept à huit fois plus grande que la nôtre. 10 milliards, c’est déjà considérable. Ça supposerait que justement, on les retrouve ces fraudes aujourd’hui. On a l’une des meilleures administrations fiscale au monde, justement parce qu’elle est chargée de recouvrer les impôts parmi les plus élevés.
E. Zemmour : Vous savez qu’il y a deux millions de fausses cartes vitales ? Enfin, vous savez que dans le souk de Casablanca, il y a des gens qui fabriquent des cartes vitales et les vendent pour trois fois rien ? Est-ce que vous avez déjà vu l’hôpital en France ? Le monde entier se fait soigner dans l’hôpital en France, avec des fausses cartes vitales, ou avec la carte du cousin ou du frère. Tout le Maghreb se fait soigner en France, toute l’Afrique noire se fait soigner en France, et qui paye, François Lenglet ?
F. Lenglet : Qu’il y ait des fraudes, c’est indiscutable, mais 50 milliards c’est énorme.
E. Zemmour : J’ai bien compris, et 2 millions de fausses cartes vitales, c’est pas énorme ? Et combien de centenaires en Algérie qui sont morts depuis longtemps et qui continuent à toucher une retraite, c’est pas énorme ?
F. Lenglet : Mais 50 milliards c’est pas sérieux. Vous n’avez aucune preuve.
E. Zemmour : Vous direz ça à Charles Prats.
F. Lenglet : Mais je le lui dirais.
E. Zemmour : Vous savez que la Cour des Comptes l’évalue entre 15 et 45 milliards ?
F. Lenglet : Déjà c’est pas pareil.
E. Zemmour : Excusez-moi, mais elle va jusqu’à 45 milliards !
F. Lenglet : Honnêtement, quelqu’un qui finance des dépenses sûres par des recettes hypothétiques, on se dit « c’est pas sérieux ».
E. Zemmour : Et je tiens à dire que je ne parle pas que de la fraude. Je parle aussi des allocations légales aux étrangers. Les allocations de logement, je crois que les étrangers représentent 20 à 30% du logement social. Le RSA, le RSA. La suppression de l’AME. C’est pas rien tout ça, c’est pas de la fraude.
F. Lenglet : J’entends bien. Vous avez dit que votre objectif était de diminuer les prélèvements obligatoires de 6 points de PIB. Ca fait quand même 130, 140 milliards d’euros. C’est une somme énorme.
E. Zemmour : On peut continuer. On peut continuer avec la fiscalité. E. Macron a baissé de 10 milliards les impôts de production.
F. Lenglet : Ils ne sont pas financés, c’est de la dette pure. C’est ce que vous feriez ?
E. Zemmour : Je suis d’accord, mais il faut les baisser. On a une chance – qu’est-ce qu’il a fait lui ? C’est la politique de la banque centrale européenne, avec le quantitative easing et les taux à 0%. Je pense que la France est dans une situation catastrophique. (…) Il faut rendre compétitives nos entreprises, et pour cela il faut employer tous les moyens.
F. Lenglet : Je vous entends, ça veut dire qu’on laisse temporairement creuser le déficit de façon à rétablir la compétitivité française, la croissance et l’industrie ?
E. Zemmour : Oui. Et je vous ai dit, et vous ne voulez pas me croire mais que ce que je vous dis sur le front social est très important.
F. Lenglet : On peut penser que ça joue pour une part mais les chiffres que vous évoquez sont pas raisonnables.
E. Zemmour : Moi je trouve ça très raisonnable au contraire. Je pense qu’il y a un coût de l’immigration colossal.
Malgré les contestations de Lenglet, Zemmour persiste : l’argent est là, il y a 50 milliards d’euros de fraude et une somme tout aussi considérable à récupérer en limitant plusieurs catégories de prestations sociales aux seuls français.
Les comptes fantastiques d’Eric Z.
F. Lenglet pose clairement le problème : Zemmour veut diminuer les charges et impôts sur la production de 6 points de PIB pour arriver au niveau de l’Allemagne. Cela représente un effort financier de 130 milliards d’euros par an, c’est à dire une somme qui est rien moins que colossale. Or, Zemmour réplique, vaille que vaille, qu’il trouvera les financements adéquats en luttant contre la fraude sociale, et en bloquant le versement de prestations sociales aux étrangers. L’obstination de Zemmour vient peut-être d’abord de l’incapacité à se représenter à quel point un montant de 130 milliards d’euros par an est une somme immense. Pour donner quelques éléments de comparaison : le budget du Ministère de l’Intérieur en 2020 était de moins de 30 milliards d’euros, celui du Ministère des armées était de 53 milliards d’euros, celui de l’Éducation Nationale de 73 milliards d’euros. Autrement dit, les sommes que Zemmour voudrait affecter à la baisse des impôts et charges reviennent à l’équivalent du budget de l’Education Nationale et des Armées combinés.
Poser ainsi les choses mène à douter de l’autre partie du plan de Zemmour : récupérer une somme équivalente sur la fraude et la limitation de certaines prestations sociales aux français. Fraudeurs et étrangers coûtent-ils vraiment autant à la France chaque année que l’Education Nationale et le Ministère des Armées ?
En ce qui concerne la fraude, Zemmour estime, à la suite de Charles Prats, qu’elle s’élève à 50 milliards d’euros par an. Face à Lenglet, il concède que la Cour des Comptes l’estime entre 15 et 45 milliards. Si l’on retient le montant moyen entre les deux estimations de la Cour, on arrive à la somme de 30 milliards. Zemmour semble ne pas croire qu’elle puisse être inférieure aux 50 milliards évoqués par Prats – à l’écouter, on se demande même s’il ne l’imagine pas supérieure -, mais un tel montant devrait déjà être suffisant pour faire tourner la tête à n’importe qui. 30 milliards d’euros détournés chaque année représente déjà une manne immense, que n’importe quel politicien devrait chercher à couper : c’est autant que le budget du ministère de l’Intérieur ! Aussi exploitables qu’elles soient, les failles de notre système social ont leurs limites. Plus encore, Lenglet remarque qu’il ne suffit pas d’évaluer la fraude, mais qu’il faut encore la récupérer. Les dizaines de milliards qui sont détournés des comptes sociaux le sont en effet par mille moyens, et souvent de façon organisée. Un rapport de l’Assemblée Nationale publié en 2020 fait le point sur les différentes formes de fraude, et les différentes formes de lutte. Ce qu’il en ressort, c’est à quel point la fraude est diverse et fréquente – l’évocation par Zemmour de fausses cartes vitales en vente à Casablanca est, ou véridique, au moins tout à fait crédible : le rapport note, entre autres éléments alarmants, que « La facilité à se procurer des documents d’identité falsifiés a été soulignée au cours des travaux de la commission d’enquête : le matériel de falsification des documents d’identité ou des factures serait ainsi disponible dans le commerce ; à défaut, les fraudeurs peuvent se tourner vers des réseaux organisés vendant des kits de faux documents ou de documents source. » Encore une fois, tout homme politique, tout militant même, devrait véritablement être alerté par cette situation : il y en a des choses à faire avec 30 milliards, et l’aggravation de la situation est véritablement préoccupante. Cependant, le corollaire est évidemment qu’il est difficile de lutter contre cette fraude : il n y a pas de mesure facile pour faire rentrer ces 15, 30 ou 45 milliards dans les caisses de l’Etat, c’est nécessairement un travail de longue haleine – et, s’il est plus que nécessaire (le rapport souligne d’ailleurs que les fraudeurs perfectionnent et amplifient rapidement leurs techniques de fraude), il ne permettra pas à Zemmour de disposer rapidement de dizaines de milliards à utiliser pour rendre les entreprises plus compétitives.
Zemmour en vient donc à sa seconde source de financement : couper les prestations sociales aux étrangers. Il est vrai qu’il existe un grand nombre de prestations sociales ouvertes aux étrangers – c’est à dire aux individus présents sur le sol français sans en avoir la nationalité, présents légalement ou illégalement. Mais là encore, si les chiffres sont considérables, ils sont toujours inférieurs d’un ordre de grandeur aux sommes que Zemmour cherche à dégager. Ainsi, Zemmour propose de supprimer l’Aide Médicale d’Etat. Pourquoi pas, mais cela ne ferait économiser qu’un milliard et demi aux finances publiques. Il propose de couper le RSA aux étrangers : pourquoi pas, mais la somme économisée est la même. Environ 10 milliards sont versés chaque année au titre du RSA, et 13,2% des bénéficiaires du RSA socle sont des étrangers venus d’en dehors de l’Union Européenne – si l’on suppose qu’ils perçoivent une proportion des versements égale à leur part des bénéficiaires, on tourne là encore autour d’un milliard et demi. Restent les aides au logement et les allocations familiales, pour lesquelles il n’existe pas de statistiques officielles précises concernant l’origine de leurs bénéficiaires. Mais là encore, les sommes totales de ces allocations laissent penser qu’il sera difficile d’en dégager des dizaines de milliards : les allocations logement (APL, ALS, ALF) représentent un peu plus de 17 milliards, tous bénéficiaires confondus ; l’ensemble des prestations familiales (allocations, PAJE, accueil en crèche, mais aussi des dispositifs entiers comme l’Aide sociale à l’Enfance) environ 55 milliards. Là encore, à supposer que les étrangers récupèrent un peu plus de 10% des sommes versées, on peut obtenir respectivement 1 milliard et demi et 5 milliards et demi pour ces deux grandes catégories d’allocations. On pourrait encore étendre le champ des versements effectués aux étrangers : prime d’activité (un peu moins que le RSA), tout le dispositif de garantie de l’exercice du droit d’asile (comprenant notamment l’ADA – allocations versées aux demandeurs d’asile -, le financement de l’Office de protection des réfugiés et des apatrides, et le financement d’un parc d’hébergement dédié aux demandeurs d’asiles : environ 1 milliard et demi). Il reste encore les allocations vieillesses : un nombre assez élevé d’étrangers bénéficient en effet de pensions versées par la France, certains sans avoir jamais rien cotisé. Un calcul de coin de table avec des hypothèses plus que généreuses arrive à environ 17 milliards.[1]
Faisons la somme : en prenant des hypothèses très favorables à Zemmour, on arrive à environ 12 milliards et demi d’euros de prestations versées à différentes catégories d’étrangers, environ 29 si on inclut les pensions de retraite, probablement encore un peu plus si on cherche d’autres postes de dépenses. Réaliser des économies sur ces flux ne va pas de soi, car certains (beaucoup en fait) d’étrangers cotisent, leur poids réel sur les finances publiques étant donc moindre – sauf à supposer que l’on continuerait à les faire cotiser tout en leur retirant l’accès aux prestations sociales. Là encore, 12,5 milliards représentent une somme plus que conséquente : on est au-dessus du niveau du budget du Ministère de la Justice ! Un politicien qui parlerait du budget de sa future administration pourrait promettre beaucoup de choses avec 12,5 milliards. Mais, parce que les baisses d’impôts et de charges promises par Zemmour sont si colossales, ces 12,5 milliards apparaissent complètement dérisoires, un dixième tout juste de ce qui est nécessaire.
Retour vers la désinflation compétitive
On le voit donc : il est très peu probable qu’un Président Zemmour parvienne à récupérer 130 milliards par an des mains des fraudeurs et des étrangers bénéficiant des prestations sociales. Une somme de 30 à 40 milliards serait déjà remarquable, mais loin de pouvoir répondre aux besoins de sa politique économique. On ajoutera que, la fraude étant aussi commise par des allocataires étrangers, il y a encore moins à récupérer qu’il n y paraît en agissant sur les deux leviers en même temps. Au fond, Zemmour n’a pas tort en remarquant que le coût de l’immigration est considérable, et bien supérieur aux quelques dizaines de milliards évoqués ici. Seulement, les immigrés et leurs descendants ne se confondent pas avec les étrangers : beaucoup d’immigrés ont acquis la nationalité française et ont eu des enfants, administrativement français également. S’il est possible d’inclure également les coûts qu’ils engendrent dans les coûts de l’immigration, réduire ces coûts serait une tout autre paire de manches.
Alors, comment Zemmour pourrait-il agir pour rétablir l’économie française ? A-t-il d’autres tours de politique économique dans sa manche ? Voici une autre partie de son débat face à François Lenglet :
E. Zemmour : Là où vous avez raison c’est qu’on devra faire pression sur les grandes entreprises pour qu’elles rapatrient des usines en France, mais pour cela il faut effectivement alléger les charges etc. Il faut qu’on soit compétitif ! Vous savez très bien qu’on a aujourd’hui un poids de charges qui est beaucoup plus élevé, on a un poids des prélèvements obligatoires à 47% les Allemands en ont un à 41% donc il faut faire un effort d’abord, et après on se retourne vers les entreprises, et on leur dit « Voilà vous pouvez revenir dans un espace à peu près compétitif ».
F. Lenglet : Est-ce que vous êtes en faveur de la taxation des produits qui viennent de Chine ? J’ai en tête évidemment l’exemple de Trump, qui a augmenté les taxes de 20%, ce qui veut dire qu’un smartphone comme celui-ci, qui vaut 600 euros neuf, passe à 750. Donc c’est une augmentation de prix très importante, et pour autant, aux Etats-Unis, ça n’a pas diminué de façon substantielle les importations chinoises, au contraire. Alors quel est le bon outil pour protéger l’industrie française ?
E. Zemmour : Très bonne question, mais la question ne se pose pas vraiment puisque malheureusement, j’ai bien dit malheureusement, nous avons donné les négociations commerciales à l’Europe.
F. Lenglet : Donc vous respectez cette règle-là ? La France de Zemmour sera intégrée dans l’Europe, respectant les règles de l’Union Européenne ?
E. Zemmour : En tout cas pour l’instant, vous êtes d’accord ? (…) Mais il faut aller plus loin. Il faut… On peut réfléchir, on peut engager une négociation pour essayer de reprendre la négociation commerciale. Après tout, c’est une compétence, on peut la reprendre. On peut voir s’il y a des pays alliés, parce qu’on est pas tout seul, on fait pas la loi. Deuxièmement on peut aussi essayer d’imposer la fameuse taxe carbone qui est une forme de protectionnisme.
Il voudrait bien, mais de son propre aveu il ne peut pas. Et il ne peut pas, parce qu’il y a l’Union Européenne. Protectionnisme, interventionnisme, tout cela ne peut pas avoir lieu en raison des contraintes imposées par l’UE. Zemmour parle bien de « chercher des pays alliés », ou d’ « essayer d’imposer » une forme de protectionnisme au niveau européen, mais l’expérience doit bien lui dire que cela n’aura pas lieu, ou en tout cas pas sous une forme favorable aux intérêts français. Le fer de lance de la politique qu’il nous promet reste la baisse d’impôts et de charges.
Il n y a là rien de surprenant – rien qui, au fond, surprenne Zemmour lui-même probablement. Dans un pays qui ne contrôle ni sa monnaie, ni ses frontières, ni sa politique économique interne, et que partiellement son budget, et qui est en concurrence avec un ensemble d’autres pays dans un espace économique communs dont les règles sont de plus en plus alignées sur les autres, la principale marge de manœuvre d’un Etat est de jouer sur les coûts, le principal levier restant les charges et impôts. Dans un marché commun comme celui de l’UE, un pays n’a de choix que de maintenir ses entreprises compétitives, sauf à les voir mourir, et donc de jouer à la baisse, soit sur les salaires, soit sur les impôts et cotisations. C’est là la politique de désinflation compétitive menée par tous les pays européens depuis une trentaine d’années. Mais c’est une politique sans fin, une course sans limites vers le moins disant social et fiscal. Car, une fois qu’un pays a gagné en compétitivité par rapport aux pays voisins, les autres pays ne peuvent que faire de même. Si, par miracle, nous parvenions au même niveau de compétitivité que l’industrie allemande, celle-ci resterait-elle inactive ? Non, bien sûr, l’Allemagne chercherait à réduire encore ses coûts salariaux, ses impôts et ses charges, pour conserver cette compétitivité, ses parts de marchés et ses emplois, ou rendrait peut-être son marché du travail plus favorable encore aux entreprises. Dans cette compétition sans fin, la seule issue est l’épuisement des revenus de l’État, l’austérité et l’aggravation de la situation des travailleurs. [2]
L’étrange défaite
Zemmour l’ « anti-système » en vient donc à prôner dans les faits la même politique économique que celle de la droite et du Parti Socialiste depuis 40 ans. Il cherche certes à en faire porter le coût sur les fraudeurs et les populations étrangères plutôt que sur les français, mais, on l’a vu, le compte n’y est pas, et, même à supposer qu’il implémente les mesures promises, il lui manquerait peut-être rien moins qu’une centaine de milliards d’euros par an pour obtenir les gains de compétitivité qu’il envisage.
Comment en est-il arrivé là ? Comment le souverainiste étatiste peut-il en venir à baisser la tête devant l’Union Européenne, le marché unique, la monnaie unique, la politique libérale unique ? C’est Zemmour lui-même qui fournit la réponse, dans l’un des derniers échanges avec le public à la fin de sa conférence de Lille :
L’euro nous a coûté très cher, parce que nous sommes effectivement rentrés avec un niveau de monnaie surévalué par rapport à la compétitivité de notre industrie. Nous avons d’autant plus souffert que la gauche s’est empressée avant même que l’euro soit dans nos poches d’établir la nouvelle loi des 35 heures, qui a encore aggravé notre compétitivité. Vous vous souvenez à l’époque, Schröder, le chancelier allemand, disait « Moi, je suis tout à fait pour les 35 heures en France, ça va favoriser l’industrie allemande ». Bah oui, on a vu, depuis nous sommes en déficit commercial tous les ans.
L’euro, en plus, a, par des phénomènes de théorie économique assez sophistiqués qu’on appelle la théorie de Wendel, grand économiste anglo-saxon qui a expliqué que quand on crée ce qu’il appelle une « zone optimale économique » unifiée par une seule monnaie, il y avait des phénomènes de transfert, c’est-à-dire que chaque pays, chaque région, de cette zone faisait ce qu’il faisait le mieux. Je vous donne un exemple : les grecs qui font du tourisme, les allemands qui font de l’industrie. Si vous n’avez pas de monnaie avec laquelle vous pouvez changer le rapport de change, eh bien les grecs feront jamais d’industrie et les allemands ont toujours de l’industrie, et c’est exactement ce qui s’est passé. Ainsi l’euro a permis à l’Allemagne d’accroître encore son hégémonie industrielle, jusqu’à y soumettre toutes les industries européennes, y compris les plus solides comme la France et même l’Italie. Donc l’euro a été franchement très néfaste pour notre industrie. En plus, il a permis par son effet indolore, c’est à dire par la protection de l’Allemagne, qui, elle rassure les marchés financiers par la solidité de ses finances, par ses excédents commerciaux, par la puissance phénoménale de son industrie, cet euro a permis à nos dirigeants de faire n’importe quoi.
J’ai dit que les socialistes avaient instaurés les 35 heures, mais droite et gauche se sont endettés considérablement pour payer ce modèle social fou dont je vous parlais tout à l’heure. Évidemment, dans un autre contexte, avec le franc, on aurait vu l’augmentation de cet endettement, on aurait vu l’augmentation de ces échanges, des déficits commerciaux et budgétaires. Qu’est-ce qui se serait passé ? Les marchés se seraient retirés du franc, et là on aurait été obligés soit de réduire l’endettement, soit donc de limiter cette ouverture mondiale du modèle social.
Nos dirigeants se la sont donc coulée douce, vous comprenez, ils ont réussi grâce à l’euro à faire n’importe quoi, et puis ensuite ils venaient parader à la télévision et dire qu’ils étaient des parangons de compétence économique…
Donc l’euro a été très néfaste, le problème c’est que nous avons aujourd’hui un système économique très imbriqué, et que sortir de l’euro exigerait, entraînerait pardon, une désorganisation économique qu’il faudrait des années à colmater, à corriger. Je pense, je pense que nous n’avons pas le temps de subir cela.
D’autre part, soyez… Faisons un peu de tactique politique pendant deux minutes. Vous avez vu en 2017 qui s’est passé. Il y avait les partisans de l’euro et les contempteurs de l’euro. On a bien vu que toute notre base électorale, ce que j’appelle « les droites », se sont divisées autour de cela, que les partisans de Marine Le Pen ont voté contre l’euro, et que les partisans de François Fillon ont voté pour l’euro. Résultat des courses, c’est Emmanuel Macron qui a été élu. Donc je pense qu’il faut pour l’instant mettre cette question au frigidaire. Ne sortons pas de l’ombre, nous allons essayer de nous débrouiller avec, on fera avec, on va se débrouiller avec, on va faire au mieux, et on va régler d’abord notre problème civilisationnel dont je vous parlais ici.
On retrouve là le Zemmour dont nous sommes plus familiers, mais on retrouve aussi son cap à droite. Zemmour considère deux choses :
- Il y a une priorité principale aujourd’hui qui est la lutte contre l’immigration.
- Pour arriver au pouvoir sur un programme anti-immigration, il faut unir les droites (droite libérale et droite populaire), ce qui exclut de sortir de l’euro.
Zemmour est donc au moins conscient que ce qu’il propose économiquement n’est qu’un cataplasme sur une jambe de bois. Il n’est pas sincèrement convaincu que la meilleure voie pour l’économie française est de réduire les coûts de production de plus de 130 milliards d’euros, il n’est peut-être même pas convaincu que c’est faisable, il remise simplement la question économique au second rang, pour quand la question migratoire, civilisationnelle, aura été résolue, et dans l’intervalle compte essayer de maintenir l’économie à flot comme il le peut.
Les candidats « populistes » en Occident ont en pratique deux options : soit tenter de rallier leur camp politique d’origine derrière leur bannière, « Union des gauches » ou « Union des droites », soit tenter de former un « Front populiste » unifiant populistes de gauche et de droite. L’ « union des droites », parce qu’elle cherche à faire céder quelque chose à la bourgeoisie en faveur des classes populaires, conduit à sacrifier l’économie pour l’immigration. Électoralement, elle est viable, bien plus que l’union des gauches et au moins un peu plus que le front populiste. Peut-être Zemmour a-t-il raison de parier dessus. Mais, même si elle peut l’emporter, il reste à voir ce qu’elle sera capable d’achever une fois aux affaires : partout où la « droite nationale » est entrée en coalition avec la « droite libérale », c’est la droite libérale qui l’a emporté, y compris sur les questions migratoires. Trump, mais aussi le Parti des Vrais Finlandais ou le FPÖ en Autriche se font fait dominer sur pratiquement tous les sujets par leurs partenaires libéraux. S’il parvient à l’Elysée, Zemmour se retrouvera probablement dans la même situation que Trump : un Président avec quelques objectifs personnels et de la volonté, entouré par des très nombreux « soutiens » plus intéressés par la baisse des impôts que par celle des flux migratoires ou les autres marottes du chef de l’Etat.
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[1] Il y a en France 5 millions d’étrangers, 25% d’entre eux âgés de plus de 55 ans – donc, en étant très généreux, environ 1 million éligibles aux retraites. Une note de 2008 affichait les données suivantes : « le montant [des pensions des personnes nées à l’étranger] est inférieur en moyenne à celui des pensionnés nés et résidant en France. Alors que l’écart est très élevé pour les retraités nés et résidant à l’étranger (-77 %), il est plus modéré (-13 %) pour ceux nés à l’étranger qui résident en France » ; « Deux tiers des pensionnés nés à l’étranger vivent en France au moment de la retraite. » ; « pour les retraités résidant en France, le montant moyen de la pension de droit direct nette des prélèvements sociaux s’élève à 1 393 euros en 2019, et à 1 532 euros en prenant en compte l’éventuelle pension de réversion ». Si, en prenant les hypothèses les plus favorables à Zemmour, on considère qu’il y a un million de retraités étrangers installés en France et qu’ils représentent les deux tiers de l’ensemble des retraités étrangers percevant une retraite française, que les retraités étrangers en France touchent 1333 euros par mois et que les retraités étrangers installés hors de France touchent 352 euros par mois, on arrive à environ 17 milliards. C’est évidemment probablement beaucoup moins dans la réalité.
[2]L’autre limite dans le raisonnement de Zemmour – mais qui mériterait un article à part – est que notre politique industrielle ne doit pas se concevoir en compétition vis à vis de celle de l’Allemagne, mais vis à vis de celle de la Chine et autres pays asiatiques ou d’Europe de l’Est, vers lesquels l’écrasante majorité des délocalisations s’est produite depuis les années 80. Or, dans les années 80, il n y avait pas de millions d’étrangers profitant d’allocations sociales trop généreuses sur notre sol, il n y avait pas une fraude sociale de plusieurs dizaines de milliards d’euros, il n y avait pas d’Etat-Providence « obèse » pour causer la désindustrialisation. La destruction de notre économie est donc à chercher ailleurs.